Laila Gauthier (LAILABAGAU)

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EXPOSITION 2022

Ajouté le 28 nov. 2021

PROCHAINE EXPO : FÊTE DES ARTISTES JUIN 2022

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CRITIQUE D'ART DERNIERE EXPOSITION

Ajouté le 5 juil. 2021

Critique de l’œuvre de l’artiste-peintre et designer Laila Abarda

Un lâcher-prise, une harmonie totale

Décidément, l’artiste-peintre et designer d’intérieur marocaine contemporaine Laila Abarda voue une véritable affection avec son entourage et a choisi de produire une peinture qui trouve son résonnance dans l’âme des amateurs de l’art. Courageuse, tenace, et amoureuse de sa peinture, cette lauréate de l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Casablanca, en suivant le chemin des grands peintres de l’Histoire, livre des œuvres d’une diversité déroutante. Elle traite majoritairement de sujets sociaux, philosophiques, artistiques, spirituels, poétiques, entre autres, de par son engagement vis-à-vis des grandes questions de l’heure dont Corona Virus, thème de sa dernière exposition. 

Chez Laila, la tension picturale s’exprime par l’interpénétration des formes, des couleurs vives posées.  Elle simplifie ainsi les formes abstraites de ses toiles jusqu’à obtenir des coloris comme des vibrations vaporeuses et lumineuses dans une matière parfois opaque.  C’est dire que les plages de couleurs ne se touchent jamais complètement. Ses toiles, d’un format mural, présentent des tâches en forme de flammes puis de grandes plages de couleurs en aplats, constituées de deux ou trois couleurs, sa «non-couleur privilégiée».

Et comme nombre d’expressionnistes abstraits, dans ses œuvres, la forme cède devant le contenu, celui de son inconscient.  L’espace du tableau  devient alors un tremblement, un souvenir, un détail, un tourbillon chromatique, une vérité mystérieuse, une fissure spirituelle, entre autres. Et l’on peut avancer que cette artiste à la démarche picturale originale accorde une haute importance à l’équilibre rythmique des couleurs qui manifeste son dynamisme d’exécution sur toile ou sur papier.

Sur ses vastes toiles, elle crée des effets de surface par le mouvement du pinceau, prolongement de son corps.  Et les lignes s’agencent selon une dynamique tout à fait personnelle. Bien qu’elle possède le sens de la matière picturale et du geste, elle marque son émotion attachée à la nature et la poésie de l’univers dans une vibration et un enchevêtrement énergique de larges touches colorées.

L’œuvre de notre peintre est constituée en très grande majorité de toiles de grandes dimensions peintes à l’acrylique et recouvertes de croquis et esquisses. Le temps intérieur ou l’émotion créatrice, et le temps extérieur ou la matérialisation de cette émotion dans l’œuvre de Laila est rendu simultané par sa matière fluide légère et transparente.

Et si dans l'histoire de l'art,  ce travail peut évoquer l'importance de la naissance de la perspective notamment dans le lien anthropocène -art contemporain, notre plasticienne y expérimente une notion nouvelle de la perspective par une forme d'anamorphose.  La couleur y apporte de l'émotion et change la perception de l’espace. Ainsi qu'une mise en abîme de la fluidité poétique dans cette démarche pour pénétrer dans un paysage créé par l'artiste, créatrice d'un monde.

Les territoires infinis de la création

Les expositions de Laila ont toujours été l’occasion pour le public de voir et d’apprécier ses travaux qui s’annoncent comme une effervescence de sensations renouvelées et chargées de charme. Et au fil du temps, elle se crée un univers d’émotions matérialisées par des couleurs et des formes. Elle s’appuie sur son propre terrain fertile en thèmes et en sujets et fait appel à l’imagination, son précieux outil, lui accordant le premier rôle et l’autorisant à s’ébattre en toute liberté et fantaisie. Elle fait confiance également à ce riche substrat de matières variées qui couvent en elle dans les tréfonds de sa psyché et qui est fait de souvenirs, d’expériences marquantes, de rêves, de cauchemars, d’idéaux, de toute une symbolique personnelle.

Voici comment s’opère la magie de son travail. Tout cela se bouscule sur la toile en voisinages inattendus, suscitant chez le spectateur la surprise et le questionnement. Le rapprochement est tantôt éloquent, tantôt obscur, jusqu’à ce que l’effort soit fait de se laisser inviter dans cet univers et de s’en imprégner. Dans ses travaux, grands formats, Laila cultive un lâcher-prise qui autorise à sa création de remonter de l’obscurité jusqu’au grand jour.

Ici encore, la composition s’impose d’elle-même en une sorte de lumineux éclat visionnaire, à partir de quelques éléments entrevus que l’ensemble se construit au rythme de l’élan créateur. Dans ses œuvres, le contemplateur s’aperçoit immédiatement les possibilités de notre artiste de guider méthodiquement son imagination pour faire quelques pas dans les territoires infinis de la création.  

Vers des réalités intérieures

L’œuvre prouve en outre que l’artiste a toute liberté d’imposer un style à ses sujets, sans contraintes aucunes. Surtout en ce qui concerne la responsabilité de la forme dans l’apparition du style. Il est question dans ses tableaux de modifier les apparences en vue de l’expression. Elle bouscule, malmène et renverse le sens commun des choses pour arriver à leur signification profonde. Ce qui explique la ferme volonté de Laila de ne jamais s’en tenir des explications superficielles et d’aller plutôt au-delà des vues conventionnelles vers des réalités intérieures. Ainsi, le songe qui s’avance de prime abord masqué offre soudain alors le visage du réel. D’où la consistance de son œuvre qui communique avec toute l’humanité sans rester une digression dans l’histoire.

 En attestent ses œuvres récentes qui sont en somme à l’image de la palette riche de cette artiste qui a depuis toujours inscrit son œuvre dans un processus favorisant l’évolution des mentalités, de la réflexion et donc de la spiritualité. C’est dire qu’en somme, les œuvres de Laila resteront le lieu d’inspiration pour son public grâce à ses différentes relectures et analyses à travers lesquelles elle réussit à produire des tableaux différents allant du simple lecteur et au plus érudit des critiques. Son expérience demeurera au fil du temps un travail riche de recherches et ouvert à toute interprétation au fur et à mesure que la vie elle-même se renouvelle de jour en jour, car le mérite de notre plasticienne chevronnée réside dans sa découverte de la vie tout en nous invitant à la découvrir ensemble.

Des peintures fluorescentes

 Dans le processus de création, l’artiste-peintre Laila semble privilégier la conception d’un fond abstrait en premier lieu. Sur la toile,  elle procède de la même façon. L’expérience lui permet de constater des effets naturellement générés lorsqu’elle peint à la bombe: des petites bulles, d’autres qui poussaient la peinture dans un sens ou dans l’autre… Certaines altérations de mise en œuvre observées sont donc  pleinement recherchées et acceptées. Concernant les peintures fluorescentes, l’artiste aime beaucoup les utiliser. Mais pas seulement. Elle aime aussi utiliser la projection de peinture et le grattage de plusieurs couches de peinture.

Cette réflexion nous amène à aborder la considération de l’artiste sur les changements apparus sur l’œuvre. Son point de vue est assez inflexible : pour l’introduction d’une manière «picturale scripturale», caractéristique de ses œuvres réalisées à l’aide de la bombe. Elle introduit de façon récurrente des éléments graphiques rappelant le monde réel et des symboles issus du vocabulaire du graffiti : des atomes, des flèches, des cercles rappelant des cellules, etc.  Ses œuvres sont le plus souvent réalisées indoor. Tout d’abord, elle  met la bombe comme dernière étape de la réalisation de ses œuvres et privilégie de manière générale les nouveaux médias comme la peinture acrylique en tube). Cette  peinture industrielle lui autorise une vitesse d’exécution accrue.  Surtout qu’elle travaille généralement la toile au sol car cela lui permet une vision en surplomb et en contre-plongée, soit une vision globale de l’œuvre afin de la modifier instantanément.  

Chez Laila, travailler à la bombe une toile placée à l’horizontale permet encore de profiter de la diffusion, gage de tracé fin et précis tout en évitant les coulures. La bombe est également utilisée comme un outil à part entière puisqu’elle est parfois roulée directement sur la peinture fraîche, comme cela est constaté sur l’ensemble de ces derniers tableaux.  Enfin, elle  livre encore davantage de détail sur ses intentions artistiques.

Après la mise en tension de la toile, elle aime généralement obtenir une finition mate pour le fond et plutôt brillante pour les motifs au premier plan. Les effets de matière  sont bien présents sur l’œuvre.  Après plusieurs couches de peinture, Laila gratte cette dernière ou la lave dans le but d’obtenir une texture épaisse.

Une gestuelle simple et spontanée

Dans ses œuvres récentes, l’on devine aussi les gestes vifs et simples que l'on retrouve dans toutes les pièces, les traces de peintures traduisent celles de l'artiste. Chacune de ses œuvres change la perception de l'espace comme l’artiste questionnait comment la peinture peut faire paysage par l'intensité des couleurs et du geste qui, pour elle,  doit être généreux et dont la simplicité de l'acte doit inspirer le contemplateur.

Grande et fluide, cette gestuelle simple et spontanée invite à la création. Cette vitalité généreuse se traduit par l'usage des couleurs vives et des matériaux simples. Et cette fluidité est au centre du travail de Laila qui ne souhaite jamais parler de monumentalité de l'œuvre mais tient à préserver une échelle humaine afin de ne pas mettre de distance avec les récepteurs.

Les grandes lignes de ces dialectiques de l’attraction des consciences permettent de concilier l’intention pour soi et le statut conféré par autrui. Ainsi, examiner les œuvres de cette plasticienne inspirée, de ce point de vue, nous permet d’apercevoir les conditions de production, de diffusion, de réception des œuvres abstraites dans leurs états et d’y exercer un esprit critique.

Il s’agit ici d’un amour esthétique, précieux, délicat, raffiné.  Ses œuvres, elle  les illumine, les enrichit, les cerne et leur donne une nouvelle vie. Elles ne sont ni tout à fait les mêmes ni tout à fait autres. Loin s’en faut.  La peinture de Laila est une peinture d’offrande, une peinture sacrée où tout est silence et sérénité. Aucun bruit, aucune interférence, une harmonie totale, à mi-chemin entre le rêve et la réalité.

Ayoub Akil

Journaliste et écrivain

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